cancer du sein

Nouvelles promesses dans le traitement du cancer du sein en Belgique

Diagnostic de plus en plus précis, évaluation génétique de la tumeur, traitements ciblés, approche multidisciplinaire, amélioration de la qualité de vie, voici les nouvelles armes pour lutter contre le cancer du sein, une maladie qui touche une femme sur huit. On fait le point avec le professeur Martine Piccart, Oncologue, Chef du Service de Médecine à l’Institut Jules Bordet.

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Quelle est l’incidence du cancer du sein en Belgique ?

« Dans les pays industrialisés, le cancer du sein frappe plus d’une femme sur huit. C’est une incidence élevée, qui est expliquée en partie par le vieillissement de la population. Mais c’est surtout l’évolution de nos modes de vie qui est en cause. Un seul exemple permet de mesurer ce changement : le corps des femmes est fait pour avoir un premier enfant à 14 ans, avec un fonctionnement de la glande mammaire durant deux ans. On a constaté que l’activation de cette glande mammaire au plus tôt était une protection contre le cancer. Aujourd’hui, les femmes sont plus actives socialement, elles allaitent peu ou pas, elles font moins d’enfants, et beaucoup plus tard ! Notre corps n’est plus tout à fait en phase avec nos comportements sociaux.

Mais ce qui, est très interpellant, c’est que la Belgique est le pays d’Europe de l’Ouest avec l’incidence la plus élevée en cancer du sein. Je n’ai pas d’explication à vous donner, si ce n’est que je suis inquiète… Pourquoi nous ? Et pas la France et la Hollande ? Fort heureusement, il y a un déclin de la mortalité par cancer du sein, il est attribué au dépistage mais principalement à une meilleure approche thérapeutique qui est aujourd’hui multidisciplinaire et inclut l’utilisation de traitements médicamenteux adjuvants qui mettent la femme à l’abri après un cancer (hormonothérapie, Herceptine). » 

Quelles sont les grandes révolutions dans la prise en charge des traitements ?

« La prise en charge du cancer du sein est de plus en plus efficace, mais également de plus en plus complexe. Bien que la majorité des patientes commencent leur traitement par la case chirurgie, certaines bénéficient auparavant d’une chimiothérapie néo-adjuvante. D’autres suivent une hormonothérapie sans chimiothérapie préalable. Et en cas de rechute, une palette de traitements systémiques en évolution constante s’offre à l’oncologue médical, chargé d’équilibrer la balance entre l’efficacité et la toxicité tout en tenant compte des possibilités de traitement local par chirurgie et radiothérapie. Depuis plusieurs années, le traitement conservateur du cancer du sein invasif remplace dans la majorité des cas la mastectomie radicale. Cette approche chirurgicale à minima a été rendue possible par les progrès réalisés en matière de mise au point diagnostique et de repérage lésionnel. La radiothérapie peut aussi être moins lourde, diverses technologies ciblent la zone à irradier. En matière de chimiothérapie, on assiste plutôt à une escalade de traitements car tout oncologue redoute la présence de micrométastases à distance et souhaite les éradiquer.

On parle aussi de traitement de plus en plus ciblé…

« Depuis une quinzaine d’années, on assiste au développement exponentiel de nouveaux médicaments ciblés. Contrairement à la chimiothérapie, qui agit de façon fort peu sélective sur toute cellule en division, on parle ici de médicaments qui visent à neutraliser un acteur précis dans la cellule cancéreuse, une protéine précise, que l’on pense responsable de son agressivité. Dans la thérapie moléculaire ciblée, des médicaments sélectifs bloquent la croissance des cellules tumorales en interférant avec des cibles moléculaires indispensables pour la croissance tumorale et la carcinogenèse, plutôt qu’en bloquant simplement les cellules cancéreuses en division. Les traitements ciblés sont plus actifs et moins toxiques pour les cellules normales que la chimiothérapie classique. Certains médicaments de ce type vont faire un travail remarquable chez certains patients, mais ne seront pas efficaces du tout chez d’autres. Un exemple est celui des cancers qui disposent d’un nombre anormalement élevé de protéines HER2 qui représentent des milliers d’antennes à la surface de la cellule cancéreuse lui permettant de répondre à des stimuli de croissance ! Des anticorps ont été développés pour bloquer ces antennes. Ce traitement a permis de grands progrès en matière de survie chez les 15 à 20 % de femmes atteintes de cancer du sein qui expriment ces antennes HER2. En cas de métastases, on observe avec ces traitements ciblés des survies de 5 ans ou plus ; et avec leur utilisation plus précoce dans la maladie, on espère guérir plus de femmes. »

Quel est le grand défi que pose le cancer du sein ?

« Ce cancer montre très tôt une propension à quitter le nid de la tumeur primitive pour coloniser les organes à distance du sein, tels que les os, le foie, les poumons. C’est déjà le cas pour des tumeurs de 5 à 6 millimètres. Si ces cellules cancéreuses, en petit nombre et non détectables par nos moyens diagnostiques actuels, existent, le traitement de chirurgie/radiothérapie ne sera pas curatif : des métastases apparaîtront quelques mois ou quelques années après le traitement initial, conduisant à une maladie avancée traitable, mais non curable. Ce risque est bien sûr d’autant plus grand que la tumeur est de grande taille et qu’il y a une atteinte des ganglions sous le bras, mais il existe aussi pour une tumeur de quelques millimètres sans ganglions positifs ! C’est ici qu’entre en jeu l’oncologue médical à qui incombe la responsabilité de décider si le risque d’essaimage tumoral est suffisamment important que pour justifier la prescription de médicaments capables de détruire les cellules cancéreuses à distance du sein et donc de diminuer le risque de rechute. Cette décision peut conduire à un surtraitement comme, par exemple, prescrire une chimiothérapie en plus de l’hormonothérapie, alors qu’elle n’est pas nécessaire. Mais comment acquérir une quasi-certitude que la chimiothérapie peut être évitée ? »

Est-ce que, un jour ou l’autre, on pourra soigner tous les cancers du sein en Belgique ?

« Une meilleure compréhension de la biologie moléculaire tumorale et l’élucidation des interactions entre les différentes cascades cellulaires permettent un meilleur ciblage thérapeutique. Les avancées futures viendront très probablement de l’association de ces nouvelles molécules biologiques associées à des agents cytostatiques mieux ciblés. Malgré toutes les avancées formidables que nous vivons aujourd’hui, la maladie est tellement complexe, elle recouvre tellement d’entités différentes qu’il est malheureusement impossible de prédire une éradication totale du cancer du sein. Le cancer du sein métastasé est une maladie chronique que les traitements actuels permettent de contrôler mais non de guérir. »

Prévention avant tout

En Belgique, une femme sur huit développera un cancer invasif du sein. C’est trop, beaucoup trop ! On le sait : la meilleure façon d’agir, est de  prévenir. D’où l’importance du dépistage.

L’auto-examen des seins

S’auto-examiner les seins est un geste qui demande certes une certaine technique, mais que chaque femme peut faire régulièrement. Avant d’être ménopausée, on le fait après les règles, quand les seins sont souples. En effet, une pratique régulière de l’autopalpation permet de noter tout changement dans les seins, dès son apparition.

Un mammotest

Il s’agit d’un dépistage national de masse gratuit. Les patientes âgées de 50 à 69 ans reçoivent tous les deux ans par la poste une invitation à réaliser une mammographie dans le service radiologique de leur choix pourvu qu’il soit agréé. L’examen de dépistage de référence pour le cancer du sein est la mammographie, c’est-à-dire un examen radiologique des seins. Il recherche des anomalies telles que des opacités, des micro-calcifications. La mammographie bénéficie d’une double lecture indépendante. En cas d’anomalie détectée, la patiente sera invitée à réaliser un examen complémentaire. L’examen est gratuit.

Un dépistage personnalisé

En Belgique, le dépistage organisé (Mammotest) coexiste avec le dépistage individuel qui est un bilan sénologique. Une mammographie et une échographie seront réalisées lors d’une seule et même consultation. Une double lecture de la mammographie est réalisée dans le même service. On effectue ce bilan de dépistage chez les femmes à partir de 40 ans, tous les ans jusqu’à 50 ans, puis tous les deux ans sans limite d’âge. Si une anomalie est décelée, le médecin envisagera des examens complémentaires : ponction, biopsie, résonnance magnétique (IRM mammaire). La biopsie est fondamentale dans la prise en charge d’un cancer du sein, et pas seulement pour confirmer le diagnostic. En effet, ce sont les caractéristiques biologiques et génétiques de la tumeur qui déterminent en grande partie la stratégie thérapeutique. En fonction de l’histoire personnelle de chaque femme (antécédents personnels ou familiaux, prédisposition génétique…), un suivi plus précoce peut être proposé.

L’importance d’une bonne hygiène de vie

Il est estimé que 5 à 10 % des cancers du sein seraient d’origine héréditaire, les parents ayant transmis à leurs enfants un certain stock de mutations de départ de l’ADN qui fait que les enfants auront plus de prédispositions au cancer du sein, sans pour autant que cette transmission en soit une cause directe.

Mais dans la grande majorité des cas, les causes du cancer du sein sont attribuées à des facteurs encore méconnus de l’environnement. Nous savons cependant qu’une bonne hygiène de vie prévient tous types de cancer en général. Une mauvaise alimentation, l’inactivité physique ainsi que la consommation de tabac et alcool sont en effet des facteurs liés à l’apparition de cancer.


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