distance avec sa famille

Le bon équilibre avec ses enfants devenus adultes

Vos enfants grandissent. Ils deviennent de jeunes adultes, quittent le nid familial, ont eux-mêmes des enfants… Comment maintenir une relation saine avec eux ? Comment trouver le bon équilibre ? Qu’est-ce qu’un bon équilibre – ni trop loin, ni trop près ?

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Le bon équilibre, la juste distance, qu’est-ce que c’est ? Ce serait trop simple si l’on pouvait les définir. Non seulement elles sont propres à chacun, à chaque relation, mais encore, cette juste distance, ce bon équilibre s’apprivoisent à chaque rencontre. Un lien fécond n’engendre ni intrusion ni rejet… Encore que, parfois, il faut passer par le rejet pour tisser un lien plus sain et donc une distance plus harmonieuse. C’est particulièrement vrai pour les liens entre les parents et les enfants devenus adultes.

Le bon équilibre ne passe pas par la culpabilisation

Philippe est amer. Il aimerait que ses enfants, jeunes adultes, viennent plus souvent le voir ou du moins, lui téléphonent pour lui demander de ses nouvelles. « Avec tout ce que j’ai fait pour eux… » Une phrase qui creuse l’écart.

Sa femme, Corinne, n’est pas du même avis. Elle qui a toujours cultivé la plus grande proximité avec ses enfants, salue la justesse de cette étape de vie. Pour elle, ses enfants ont besoin de toute leur énergie pour construire leur vie, se déployer dans toutes leurs directions, amour, boulot, amis, voyages, enfants… Donc, c’est elle qui les appelle quand elle trouve qu’il y a longtemps qu’elle ne les a plus entendus. Non pour les culpabiliser (« tu vis encore ??? ») mais pour tout simplement leur demander si tout va bien.

Le bon équilibre ne passe pas par l’intrusion

Depuis que son fils a quitté la maison, Carole, qui a toujours été maman poule, se demande si Quentin va pouvoir se débrouiller tout seul. Elle ne manque aucune occasion pour l’appeler ou lui amener de quoi manger, de peur qu’il ne se nourrisse pas comme il faut. Attention, intrusion ! Et manque de confiance… À moins que ce ne soit elle qui ait besoin de nourrir sa confiance en elle. Son rôle de mère « aux petits soins » prend un sacré coup dans l’aile.

Charles, divorcé depuis 3 ans, a eu du mal au début à ne voir ses enfants qu’une semaine sur deux. Mais de devoir gérer cet « espace entre » leur a permis à lui et ses enfants, paradoxalement, d’apprécier particulièrement les moments où ils sont ensemble. Aujourd’hui, sa fille vit avec son amoureux. Elle commence sa vie professionnelle. Charles comprend qu’elle ait besoin de son énergie pour construire sa vie et donc moins besoin de voir papa ! Il comprend mais, n’empêche, « j’aimerais la voir plus souvent. C’est la vie… », soupire-t-il. Mais il reconnaît aussi que cette étape lui a ouvert la porte de son propre espace personnel et amoureux. En route pour de nouvelles aventures ! Pour lui aussi…

Le bon équilibre passe par le plaisir de la rencontre, pas le besoin

Si c’est uniquement le « besoin » qui motive la rencontre, on tombe alors vite dans le travers d’une relation mercantile, au détriment des sentiments d’affection inhérents à la relation. Besoin d’aide de la part d’un parent ou de lessive de la part du jeune… Il peut y avoir alors soit d’une part, l’impression de se sentir toujours « utile » et d’autre part, la peur (inconsciente ?) d’être à nouveau embrigadé, prisonnier d’un besoin de reconnaissance abyssal ! C’est Jacques Salomé(1) qui évoquait cette formule « J’ai tout fait pour toi… J’étouffais pour toi », sous-entendu, tu me dois une reconnaissance éternelle !

C’est tout un chemin (de libération ?) que de conquérir son autonomie, d’apprendre à se détacher. De la fusion essentielle autour de la naissance, enfants et parents passent une vingtaine d’années à apprivoiser la séparation. Fusion, dépendance, interdépendance, indépendance… pour aboutir in fine, quand tout va bien, à une relation d’adulte à adulte dont le maître-mot est le respect. Se reconnaître « autre » même si on appartient à la même tribu !

Découvrir le lien libre. Les blessures d’enfance/d’enfant devant un parent tout aimant et/ou tout-puissant doivent pouvoir se dire et se guérir avant de devenir des adultes qui se respectent. Des adultes qui accèdent à un « même niveau », à un face à face salutaire.

Prendre ses distances ? Parfois indispensable pour arriver à l’équilibre. Distance rime avec expérience…

Voyage, voyage

Tout juste sortis du nid, les enfants ont besoin de se construire hors de la présence de leurs parents même si ce n’est pas forcément évident de se prendre en charge sur tous les plans. Le bon plan justement ? Le voyage… Nombreux sont les jeunes aujourd’hui qui, grâce aux voyages, Erasmus ou autres, ont déjà eu l’occasion de s’éloigner de la maison, de s’envoler et tester leurs propres ressources. Sans papa/maman. Outre un nouveau pays, d’autres coutumes, c’est lui, elle, qui se découvre, se révèle. La conquête du nouveau monde commence par soi-même ! Et la peur peut faire partie du paysage. La sienne mais aussi celle de ses parents.

Et si tout ça n’était qu’une question d’amour ?

Faire le pas de ne plus correspondre aux attentes des parents pour être aimé. Une fameuse étape dans la conquête de la juste distance et du « juste amour ». Un père qui donne, c’est normal ; un père qui attend un retour sur investissement, c’est un « marchand qui marchande » l’amour. Encore un apprentissage et un fameux que celui d’interroger ses propres liens, exigences, culpabilités, contorsions face à l’amour. Cette aspiration commune à tous les humains…

Oui mais, quel amour ? Jean-Yves Leloup (2), qui a traduit les textes sacrés du grec au français a conçu une « échelle de l’amour » dont les échelons sont à gravir ou descendre, en fonction des circonstances. Quand en français, il n’y a qu’un seul mot pour exprimer « aimer » ou «amour », en grec, toutes les nuances s’invitent que ce soit dans le sentiment amoureux ou les relations parents-enfants. Passer de l’amour « porneia », l’amour dévorant du nourrisson, à l’amour « agapè » gratuit, inconditionnel, il y a 8 barreaux… Qui nous enferment ou nous élèvent ? Et si s’interroger sur la qualité de nos liens nous invitaient à une évolution de conscience ? Un amour transcendant. Qui nous traverse, nous fait vibrer et nous propulse au-delà de nous-mêmes.

De la dépendance à la liberté

Pas question de bouder son plaisir. Les quinquas se réjouissent aussi de retrouver leur liberté.  Les enfants tracent leur propre chemin ? Youpie, mission accomplie ! Liberté, inspirations, aspirations,… De nouvelles fécondités apparaissent. Tout en gardant ce lien « libre », ce lien d’appartenance qui se tricote et détricote au gré de nos envies réciproques.

Les moyens de communication (réseaux sociaux, WhatsApp…), amis ou ennemis du bon équilibre ?

Chantal (qui n’est pas amie avec ses enfants sur Facebook !), adore cependant WhatsApp. Un de leurs enfants a créé un groupe « famille » et toutes les petites infos et photos y transitent et font l’objet de courtes interactions qui nourrissent le lien. Le hic, c’est Paul, son mari, qui refuse d’acheter un smartphone… Chantal est donc la courroie de transmission mais Paul se sent un peu à l’écart. No comment !

Drôlement chouette quand les petits-enfants font leur entrée dans la famille. Les photos et vidéos circulent et alimentent les liens de la tribu. Sans lourdeur. Sans intrusion intempestive. Connaitre aussi les règles du jeu. Plus âgés, on aime avoir une réponse rapides aux posts, ce qui n’est pas forcément le must des plus jeunes qui doivent gérer tant d’autres moyens de communication.

Quand son enfant devient parent

Se rendre disponible sans envahir ? Tout un art…  Séquence émotion quand une naissance vient bouleverser la famille. On l’accueille, on lui fait de la place, on s’émeut de voir son enfant devenir parent et chacun monte à l’étage supérieur. Les nouveaux grands-parents apprivoisent leur nouveau rôle.

Ni trop près ni trop loin ? Voilà que ça recommence…

(1) Jacques Salomé, psychosociologue et écrivain

(2) Jean-Yves Leloup, Dr en psychologie, Dr en philosophie et prêtre orthodoxe a traduit les textes sacrés dans leur langue, grec et hébreux. Cf article « Les métamorphoses de l’échelle amoureuse » sur www.jeanyvesleloup.eu


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