Pourquoi ce besoin de reconnaissance ?

Décembre, le mois des cadeaux… Un mois où les échanges sont colorés de reconnaissance mutuelle. L’envie de faire plaisir va de pair avec « se faire plaisir ». L’occasion de s’interroger sur ces mots « reconnaissance » et « gratitude ». Mais aussi sur ce « besoin de reconnaissance » qui est parfois un peu pesant tant pour celui qui le ressent que pour celui ou celle qui le subit…

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Parmi tous les sens donnés à ce mot, Littré pointe qu’il s’agit d’un « souvenir affectueux d’un bienfait reçu, avec désir de s’acquitter en rendant la pareille ». Mais alors, l’attente de celui qui donne est-elle légitime et sa déception l’est-elle tout autant si la reconnaissance de son « bienfait » ne vient pas ? Paul est d’accord, lui qui ne peut envisager le don que dans l’échange. Pour lui, la gratuité n’existe pas. « Je donne avec plaisir… mais que me donnes-tu en échange ? », voilà comment il voit les choses. Le don gratuit, ce n’est pas pour lui !

Cadeau perso

Lorsque vous avez pris soin de choisir un cadeau personnalisé et non pas l’enveloppe avec un billet ou pire, la terrine de foie gras achetée au coin de la rue pour le cousin écolo-végétarien, quelle est votre attente ? Une explosion de joie ? Un sourire lumineux ? Une étincelle dans le regard ? En tout cas un signe de reconnaissance mutuelle « je/tu sais ce qui te/me fais plaisir », une reconnexion des cœurs, des regards qui se touchent, des hugs qui réchauffent. C’est alors que l’amour, l’amitié, circulent pleinement. Celui qui reçoit se sent reconnu dans ses désirs, ses aspirations ; celui qui offre se sent lui aussi reconnu dans sa générosité, dans ce don du cœur dans lequel il est pleinement présent. Car on se transmet toujours un peu/beaucoup à travers un cadeau. Même choisi sur Internet où les listes « personnalisées » abondent. L’exemple très prisé, la liste de mariage qui présente des articles choisis par les jeunes mariés, assortis de montants qui atterrissent parfois/souvent/toujours (biffez la mention inutile) dans une gigantesque tirelire. Et pourtant, les amoureux ont pris le temps d’afficher des photos, avec texte de présentation et prix, de leurs besoins et envies. Par exemple, le voyage de noce se découpera en mini-séquences que le généreux donateur va explorer pour choisir en fonction de ses propres goûts.

Reconnaissance… de dette ?

« Si tu dis donner volontiers, pourquoi attends-tu qu’on te remercie ? », cette phrase d’un anonyme nous emmène sur le terrain du besoin de reconnaissance qui peut aussi être très lourd à supporter. Rien de plus exaspérant d’entendre de la part d’un « généreux » donateur en manque de reconnaissance : « Avec tout ce que j’ai fait pour toi… » qui sous-entend une reconnaissance éternelle. Le manipulateur n’est pas loin. Il utilisera son propre besoin de reconnaissance insatiable pour culpabiliser sa victime. Et elle, si elle n’y prend garde, va s’enliser, s’emmêler dans la toile, pour finalement ne plus pouvoir se dépêtrer de cette dette qui va lui empoisonner la vie. Le besoin de reconnaissance devient alors une arme redoutable, parfois même à l’insu du manipulateur qui croit, en toute bonne foi, qu’il est dans son droit. Manipulateur et sauveur*, le pompon ! Le sauveur qui trouve des solutions aux problèmes de tout le monde (sans en avoir reçu la demande d’ailleurs), avec l’espoir secret d’être chaleureusement remercié et d’assouvir ainsi son besoin de reconnaissance. Générosité ou narcissisme ? Cela dépend du point de vue. Le sauveur, lui, se sent terriblement généreux et ne comprend pas quand son énergie déployée ne rencontre pas la joie escomptée. Le puits de son besoin d’être reconnu est sans fond et donc son insatisfaction abyssale. « L’enfer est pavé de bonnes intentions »…

*Le sauveur, en analyse transactionnelle, est l’un des trois rôles du triangle dramatique de Karpman (persécuteur – victime – sauveur)

Mais d’où vient donc ce besoin de reconnaissance ?

De l’enfance ? Sans aucun doute. Si l’on court après la reconnaissance, c’est souvent parce qu’on n’en a manqué, en famille, à l’école. Quand on n’était pas « assez » pour mériter un regard admiratif de sa mère/de son père/de son prof. « Regarde, maman ! ». La confiance en soi, c’est dans l’enfance qu’elle se construit. Etre regardé avec amour, admiration, pour se sentir aimé et reconnu dans son être authentique, à sa juste valeur et non simplement comme faire-valoir. Cette « juste valeur » repose sur un regard neuf et sans cesse renouvelé. Pas eu, c’est foutu ? Sûrement pas. Le savoir permet de se réajuster en tant qu’adulte pour acquérir… – ou conquérir ? – ce moteur de vie. Cela passera peut-être par une thérapie. Tout bénef pour ne plus dépendre du regard de l’autre. Une fois pour toutes !

Les enfants ? Parlons-en…

Plus vrais que vrais, les enfants manifestent spontanément s’ils sont contents ou pas lorsqu’ils reçoivent un cadeau. Dire merci, c’est poli. Mais… pas toujours envie ! François, 30 ans, se souvient : « A Noël, une amie de ma mère m’avait offert une boîte de Lego. J’étais déçu et j’ai grommelé ‘je l’ai déjà’, ce qui a horrifié maman qui voulait donner le change vis-à-vis de sa copine en me martelant, le regard revolver : ‘Mais non, tu ne l’as pas. Dis merci…’ Erreur de jugement et flagrant délit de mensonge, sourit François… qui n’a pas oublié !

Reconnaissance ou… gratitude ?

La nuance est subtile. Dans le mot « gratitude », on entend « grâce », « gratuité ». Ici, aucune attente à satisfaire. Le MERCI est l’expression de la joie pour le geste et le don.
Ça relève plus d’un état d’esprit que d’une attitude ponctuelle. Tous les chantres de la psychologie positive l’affirment : cultiver l’état de gratitude change la vie ! Robert Emmons, Tal Ben-Shahar, Christophe André, Rebecca Shankland, pour ne citer qu’eux, insistent sur ce « moteur de bien-être » ! On peut s’y entraîner en faisant chaque soir, avant de s’endormir, une liste de cinq moments agréables – petits ou grands – que l’on a vécus dans sa journée (une rencontre, un rayon de soleil, une promotion, un bon repas, un bain chaud, un compliment…). Au début, on cale un peu, puis on dépasse largement les cinq prescrits. Si vous ne vous êtes pas endormi, vous pouvez alors suivre la proposition du psychiatre Christophe André qui est de repérer dans ces moments clés de la journée, ce qui est dû à d’autres humains. Merci ! Une façon de se réjouir le cœur et de se relier à l’humanité.

Back to the Christmas tree !

La fin de l’année rime souvent avec les rassemblements familiaux et amicaux. Des mois se sont souvent écoulés depuis qu’on ne s’est vu. Etre reconnu pour qui l’on est, pour ce que l’on fait et ne pas être figé dans un personnage qui n’est peut-être plus d’actualité. Profiter de ce temps de retrouvailles pour refaire connaissance. Pour se « re-connaitre » avec curiosité. Pas tout à fait le même que l’an dernier. Les personnages ont pris d’autres rôles, d’autres couleurs.
L’occasion de s’offrir des « cadeaux moments partagés » – un ciné, une balade, une thalasso, un resto… – pour que s’approfondissent ces liens à un autre moment de l’année. Et ces cadeaux-là ne se revendent pas sur eBay !

Prêts pour la grande scène de Noël ?

Quelques pistes ?

  • Les pouvoirs de la gratitude, Rebecca Shankland, Carnets Odile Jacob
  • Merci, Mon carnet de gratitude, Anne-Solange Tardy, Solar
  • Et n’oublie pas d’être heureux, Christophe André, Odile Jacob

 


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