vins du Roussillon

Le top 5 des vins du Roussillon par Éric Boschman

L’époque est au voyage lent, les marketeurs ont inventé un mot valise pour « angliciser » et rendre un peu plus glamour le phénomène. Le retour en grâce de la proximité, on nomme ça le « slow tourism ». À l’heure où les longs courriers n’ont plus la cote, où le golf pose d’intenses questions environnementales, il est temps de redécouvrir des choses simples, comme les vins du Roussillon.

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Eric Boschman

©Lydie Nesvadba

C’est le moment de redécouvrir les régions chères à nos cœurs, comme le Roussillon, ces pays que l’on aime tant détester parce qu’ils sont plus beaux, plus chauds, plus ceci ou cela, mais où notre esprit chauviniste trouvera toujours une raison de critiquer un peu, parce que bon, si le paradis n’est pas chez nous, pourquoi rentrer un jour… Et pourtant, des paradis à portée de la main, il y en a tant. Il n’est pas besoin de traverser le globe pour trouver des paysages exceptionnels, des saveurs inoubliables.

Le bonheur est dans le « près », cours-y vite, il va filer

Lorsque l’avion se pose sur la piste de l’aéroport de Perpignan ou lorsque je franchis la petite bosse à hauteur des étangs de Taux, lorsque je m’y rends en voiture, c’est à chaque fois la même émotion. Le Canigou qui se dresse sur l’horizon un peu comme un phare, une vibration étrange qui m’envahit peu à peu, au plus chaud de l’été, l’odeur de la sève chaude qui envahit mes neurones, le ciste ladanifère, le thym chaud, les genêts, le vent qu’il soit d’autan ou marin qui fouette sans cesse les paysages, tout compose le générique de ce moment magique où je rentre chez un chez-moi de hasard.
Le Roussillon est une région qui allie la montagne et la mer, les stations balnéaires aux noms qui font briller les yeux aux austères citadelles cathares, les marchands de churros sur le sable aux préparations catalanes traditionnelles des villages de l’intérieur.

Une mosaïque de sensations, d’émotions et de caractères

Les gens d’ici se sont forgés sur le piémont pyrénéen, le long des trois fleuves côtiers, coincés entre Montpellier et Barcelone, bousculés par l’histoire de cette frontière mouvante, dans cette frange nord de la Catalogne. Ils ont le caractère bien trempé, le parler rude, rocailleux par l’accent à la manière d’un torrent de montagne. Perpignan est le centre du monde, du moins c’est ce qu’en disait Dali, et même si ce n’est pas tout à fait vrai, il n’est pas interdit d’y croire.
En un mot comme en cent, le Roussillon est un morceau de mes racines
J’ai usé là-bas mes fonds de culotte de jeune sommelier, j’y ai développé des concepts, des « randonnées de vignes en caves », j’y ai aimé aussi. Et j’adore toujours. Surtout lorsque je suis à l’intérieur du pays, loin des foules bigarrées et bronzantes, à l’ombre bienfaisante d’une cave, d’un chai, d’une auberge de village. Je bois, je mange le Roussillon.
Curieusement, il n’y a pratiquement aucune trace de mes passages et séjours dans le coin hors de ma mémoire, hors de fortes embrassades avec quelques dinosaures viticoles bien cachés au fond d’une cave fraîche, ça conserve semble-t-il. À moins que ce ne soit le vin.
Je n’avais donc pas imprimé ma trace dans le ciel, l’eau des rivières ou les rochers des collines. C’est dingue. C’est peut-être pour cela que je suis tombé en amour de cette région du Roussillon il y a déjà pas loin d’un demi-siècle, j’exagère un peu. Quand je me balade dans le pays, je suis Cathare, saltimbanque lunaire, vigneron marchant vers le meeting de Narbonne, chasseur d’escargots ou simplement touriste qui ne fait qu’effleurer le paysage du bout des yeux.
J’ai aussi goûté un tas de cuvées dans les environs, au fil des années j’ai dégusté l’évolution des vins, les changements de style, l’apparition d’une nouvelle tendance, l’avènement de quelques producteurs de vin nature, le lent passage des vins doux naturels vers les vins secs, les syrahs triomphantes, la grenache bien épicée, le développement de vins plus délicats. Le bonheur du temps qui passe.
Profitons de l’arrière-saison, comme on la nomme si bien, de cet été indien qui n’existe pas que dans le Nord de l’Amérique pour partir à l’aventure douce, dans ces villages vidés de leurs cohortes de touristes et d’enfants assortis. Filons voir la fin des vendanges, les cuves qui fermentent et les gens du coin fourbus après ce moment intense. La vendange 2023 est compliquée partout dans l’Hexagone et la région ne fait pas exception. C’est peu de dire que la qualité des raisins est hétérogène… encore un millésime qui permettra de faire la différence entre les grands vignerons et les autres.

Dégustation des Côtes du Roussillon

 

Les Pierres Plates 2021
Vignobles Terrassous
Vermentino, macabeu, grenache
En vente chez Wine Not (1050)

vins du roussillon
Au premier nez, c’est assez timide mais à l’oxygénation arrive un côté assez exotique avec des touches de mangue et d’agrumes. On évolue vite vers un côté citron vert et de la poire, c’est joliment complexe. En bouche, j’aime beaucoup le côté pomme verte, son côté tranchant avec pas mal de gras derrière et une jolie pointe d’amertume pour suivre. À l’apéritif avec anchois de Collioure et des olives. 15/20

 

Aulius d’En Guiter 2021
Grenache gris
En vente chez Anne Bisschop (0476/31.31.99)

vins du roussillon

La robe est rosé pâle tirant sur le côté soyeux. Au 1er nez on est sur de la pêche blanche avec des notes de fève tonka et même de cacao. Ensuite on évolue vers des touches assez délicates plutôt florales. En bouche, c’est bien vif, tendu avec une touche d’amertume sur la fin. Vraiment bien fait. 17/20

 

Clos del Rey 2019
Grenache noir vieilles vignes, carignan
la-cave-des-sommeliers.com

vins du roussillonLa robe est grenat foncé, très dense. Le nez a besoin d’un peu d’oxygène pour s’aérer. Au bout d’une minute, ça explose de fruits : du cassis, du sureau. Ensuite on a du poivre noir, un peu de cannelle, du clou de girofle. C’est magnifiquement intense. En bouche, ça commence à s’ouvrir. C’est bien long avec des tanins riches, ça accroche mais c’est mûr. C’est très soyeux, très élégant et à la fois assez large d’épaule. Le genre de vin pour accompagner un sacré morceau de barbac’ au coin du feu en automne avec une poêlée de champignons. 18/20

 

Alchimie 2020
Grenache, syrah, carignan
Domaine de la Part des Anges
domainelapartdesanges.com

vins du Roussillon

La robe est rubis profond. Au nez, le carignan domine au départ par son côté aigrelet. La syrah arrive ensuite en apportant des touches un peu plus eucalyptol, son côté classique. Le grenache fait le reste avec le côté poivré, le fruit. En bouche, un peu austère au départ ou timide, allez savoir. Les tanins sont très serrés, c’est un vin qui demande qu’on attende encore un peu. À boire avec un bon morceau de thon à la planche qui lui donnera un peu du gras dont il a besoin. 16/20

 

Héritage du Temps
Rivesaltes ambré
5 ans d’âge
Singla
fontaine-aux-vins.be

vins du roussillonBelle robe bronze avec des reflets topaze pour cette cuvée hors d’âge de macabeu. Un vin trop rare parce que la mode n’y est pas. Comme quoi la mode c’est souvent une connerie. Un verre de ceci comme pousse-café ou avec une tarte aux noix ou aux abricots, c’est quand même une forme de bonheur rare. Le nez montre pour commencer cet arôme si particulier des vieilles caves : entre le bois des foudres humides, la terre battue, les levures qui ont conditionné les parois. Bref c’est parfait. Ensuite on va vers de l’abricot sec, des amandes effilées grillées. On peut trouver tout ce qu’on veut là-dedans, tellement c’est complexe. En bouche, ne croyez pas qu’il n’y ait que du sucre, il y a aussi une remarquable acidité qui vient contrebalancer la densité du vin, c’est vraiment très bon. 18/20

 

 Photo couverture Shutterstock.


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