L’avion nous dépose à Nîmes, dans un micro-aéroport battu par les vents de la Méditerranée qui n’est jamais loin. En voiture, en route par les chemins de traverse que nous donne Waze vers le cœur du Lubéron. Être dans le milieu de la France, sans passer par une autoroute, en évitant les ronds-points et les gens en panne avec leurs gilets phosphorescents, quel bonheur ! C’est qu’il est beau ce pays, dans les lumières mordorées de l’automne, les vendanges sont entamées, les feuilles brûlent à la cime des arbres. Les villages sont presque vides, les estivants sont rentrés chez eux, il ne reste que les habitants. C’est la saison la plus douce, celle que chantait Bécaud, c’est en septembre….
Nous ne sommes pas pressés, la route déroule ses boucles indéfiniment, le soleil darde encore quelques rayons, bref, c’est un petit supplément de vacances qui s’offre à nous.
Au détour d’un virage aux environs de Ménerbes, un chemin part vers la droite, il mène à une grosse bastide entourée d’une mer de vignes. Je suis dans mon élément, il y a du raisin.
Il faut reconnaître que la région grimpe son petit bonhomme de chemin en matière de qualité des vins. Longtemps relégués à d’aimables jajas estivaux pour touristes discrets, les vins du coin n’ont plus rien à envier à qui que ce soit pour l’immense majorité d’entre eux.
Le Lubéron, c’est la région discrète où se cachent les touristes. Exactement l’inverse de St-Trop’. Au bord de l’eau, le temps est à la surenchère bien souvent de mauvais goût, à la recherche désespérée d’une gloire passée où des gens célèbres jouaient à la pétanque, tous vêtus de blanc, sur la place des Lices jusqu’à pas d’heure, et l’on boit du rosé incolore avec des glaçons dans des verres trop grands pour se donner une attitude à la mode. À l’intérieur du pays, on se niche loin des turpitudes, de la vacuité du monde, bien à l’abri des regards. On vit tranquille, on sirote le temps qui passe à son aise. Et on goûte les vins du coin, qu’ils soient rosés, rouges ou blancs, sans les massacrer avec de la musique tonitruante et des remugles de monoï…
Oui, blancs, vous avez bien lu. On est dans le Sud, mais dans le nord du Sud. Il fait relativement frais, on est en altitude. Bon d’accord, ce ne sont pas les Alpes, mais on est quand même parfois au-delà des 500 m. Ce qui signifie une température plus clémente pour les blancs. Si on ajoute des terroirs favorables aux cépages blancs et un savoir-faire qui évolue rapidement, on a comme résultat des vins surprenants, croquants, vifs, nerveux et diablement originaux. La lutte contre les effets néfastes du réchauffement climatique passe aussi par la redécouverte et l’utilisation de cépages anciens, presque oubliés, qui apportent des caractères radicalement différents aux productions locales. Et c’est vraiment une excellente nouvelle.
En résumé, c’est le moment de découvrir ou de redécouvrir les vins du Lubéron, la surprise est au coin du verre. Oubliez ce que vous a raconté votre Tonton « connaisseur », oubliez vos expériences douloureuses de jeunesse et laissez-vous aller aux plaisirs savoureux de la région.
Le nombre de distributeurs en Belgique des domaines que j’ai visités est pléthorique. Pour plus de facilité, je vous ai donc indiqué les coordonnées des domaines. Et si l’un ou l’autre vous fait envie, vous envoyez un petit mail et hop, l’affaire est dans le sac, y a plus qu’à…
Vins du Lubéron : les domaines à découvrir
Chateau Val Joanis
2404 Route Villelaure 84120 Pertuis
Hervé Lassere +33 4 90 79 20 77
magasin@val-joanis.com
@chateauvaljoanis
Un des plus grands domaines du coin, si pas le plus grand. La gamme des vins est hyper large, bien foutue dans l’ensemble. C’est classique, carré, frais et vif pour les blancs et les rosés. Nettement plus structuré pour les rouges. Un domaine très présent sur le marché belge depuis de nombreuses années, qui donne une très belle image de la région. Même les frileux et les sceptiques seront conquis, c’est certain. Il y a au domaine un petit secret bien doux, nommé Sweet, qui mérite qu’on le retire de derrière les fagots où il est bien caché. J’aime aussi ici les Aubépines, c’est remarquable.
Marrenon
rue Amédée Giniès 84240 La Tour d’Aigues
Philippe Tolleret +33 6 88 97 82 85
@marrenon_vignobles
J’avoue que je suis tombé en amour de la cuvée Grand Marrenon à base de grenache blanc et de Vermentino en sélection parcellaire. De la haute couture aux arômes beurrés, floraux et tout en finesse en même temps. Il y a d’autres cuvées sous cette bannière, mais celle-là m’a marqué plus que les rouges qui m’ont semblé plus en puissance qu’en fraîcheur.
Domaine Le Novi
850 route de Cabrières d’Aiguës 84240 La Tour-d’Aigues
Romain Dol +33 6 22 07 90 60
romain_dol@yahoo.fr
instagram.com/domainelenovi
S’il fallait déterminer un coup de cœur, ce serait ici que je l’ai eu. J’ai dégusté toute la gamme et même sur plusieurs millésimes, jusqu’en 2015. C’est de la bombe. Des blancs travaillés en délicatesse, en fraîcheur, avec une tension rare et une richesse étonnante. En fait, je crois que je peux qualifier la gamme au complet de « grands vins ». Ne passez pas à côté de la cuvée Les Soucas, c’est hors normes. Les vins prennent facilement 7 à 8 ans dans les dents sans bouger, juste en évoluant vers toujours plus de complexité. Et ça, c’est du bonheur !
Domaine de la Citadelle
route de Cavaillon 84560 Ménerbes
Lionnel Bourge +33 4 90 72 41 58
contact@domaine-citadelle.com
@domaine_de_la_citadelle
Produire des films peut mener à tout. Le domaine est polymorphe, on y trouve un splendide jardin botanique entièrement dédié à la végétation locale gérée par utilisation, c’est parfait pour les familles. Il y a aussi là-bas un non moins splendide musée du tire-bouchon, plutôt de circonstance dans ce genre de domaine, mais il ne s’agit pas d’une petite collection, c’est vraiment important. Enfin, on y fait des vins bien travaillés, une gamme large plutôt orientée sur le fruit en général qui traduit bien les terroirs du domaine. Mon coup de cœur va à la cuvée Le Châtaignier 2020, un blanc croquant et aérien comme je les aime.
Mas Edem
145 chemin des Maquignons 84220 Goult
Renaud Pierlot +33 4 90 72 89 34
@mas_edem
C’est l’histoire d’une renaissance, une domaine qui avait oublié de vivre et qui, suite à une belle impulsion, repart de plus belle. Une cuvée majeure, Origini, et une gamme Delicato, quatre vins, pour des moments de bonheurs tout simples qui oublient de se compliquer la vie.
Domaine Ruffinatto
Christian Ruffinatto +33 6 30 80 95 20
@domaine_ruffinatto
Un domaine, c’est toujours une histoire, parfois chaotique, souvent romantique voire charmante. C’est l’histoire d’un mec qui a trimé, qui s’est fait à la force du poignet et qui a transmis à la génération suivante. Aujourd’hui, petit à petit, c’est la troisième génération qui prend doucement la relève, il faut faire ses preuves en interne pour gagner ses galons dans les campagnes, il ne suffit pas de paraître. Je n’ai pas goûté toute la gamme, mais ce que j’ai dégusté m’a surpris par sa finesse. C’est un peu le maître mot de cette série de dégustations, mais dans le cas présent, c’est une évidence. Le vin est bâti autour d’une ligne toute en fraîcheur, avec une jolie acidité qui sous-tend la bouche sans agressivité. Même lorsqu’il fait très chaud, sans être massacré par la glace et l’eau, le vin est frais en bouche. Les Menines en rosé et L’Infante en rouge, en 2017, sont des cuvées qui méritent que l’on y consacre une pause généreuse. Une belle pioche !
Mas des Infermières
1575 route du Four 84580 Oppède
Christophe Barraud +33 6 19 58 53 49
@mas_des_infermières
Quand un cinéaste septuagénaire reconnu s’éprend d’une région viticole, ce n’est pas vraiment pour planter des fraises. Quand Ridley Scott est venu travailler dans le coin, comme beaucoup, il a eu un coup de foudre. Un mot, un geste et l’aventure prenait forme. Le chai a été ouvert au public cet été et il mérite presque à lui seul le déplacement. D’autant plus si vous êtes cinéphile. La mise en scène du bâtiment est soignée, c’est le moins que je puisse en dire. C’est tiré au cordeau, lumineux, aérien presque. Et entre les cuves, les barriques, dans les espaces plus généraux, se trouvent des éléments de décors, des costumes, issus des plus grands films du maître. L’œuf d’Alien trône dans le chai à barriques. C’est surprenant au départ, ensuite le mélange des deux mondes est super bien opéré et vaut le déplacement. Les vins sont rouges, plutôt puissants, structurés et bien construits. Pas encore importés en Belgique, l’affaire est en cours. Si vous avez l’occasion de déguster La Source en 2020, vous prendrez la pleine mesure du potentiel du domaine. À suivre de près donc.
Chateau La Canorgue
route du Pont Julien – D149 84480 Bonnieux
Nathalie Margan +33 4 90 75 81 01
@chateaulacanorgue
C’est ici que Ridley Scott a planté le décor de son film qui parlait de vin, Un bon cru ; il a fait mieux dans sa carrière… Bon passons à autre chose, ça énerve les propriétaires parce qu’ils sont nettement plus qu’un décor de cinéma. La fille, son compagnon et le père, les générations se succèdent, continuent et produisent des vins au plus proche de la nature. Le domaine est tout simplement splendide et remonte à l’époque romaine. Bénéficiant de sources, il est verdoyant et il fait bon y déambuler. Mais c’est bien plus que cela. Les vins sont maîtrisés et la biodynamie, de mise ici, donne des résultats exceptionnels. Si vous en avez l’occasion, visitez le chai gravitaire circulaire, parfait pour le travail des humains sans jamais forcer les vins. Le résultat est dans les flacons. Entre tradition et innovation, ce duo-là en a sous le coude et ne fait que monter en puissance. J’ai fondu pour le rosé qui est une leçon de style pour toute la production méridionale au moins. Dieu que c’est bon et équilibré, c’est du plaisir total !
La Bastide du Claux
Sylvain Morey +33 6 99 70 26 05
@bastideduclau
L’homme a du caractère, une sacrée personnalité même. Bourguignon immigré dans le Sud mais toujours actif dans sa région d’origine, il a une patte hors normes pour vinifier des blancs sans concession et des rouges tendus et en dentelle qui ne sont pas sans évoquer ce que l’on peut faire de beau dans sa région d’origine. C’est immense, exceptionnel carrément, pour plus de précision, chaque cuvée porte le nom de sa parcelle mais surtout son altitude. Au rythme de Barraban, de L’Odalisque mais aussi de Capriers, Saint-Jean et Le Claux, on comprend facilement les différences liées à l’altitude et à la complexité des terroirs. S’il s’agit d’interpréter la notion incompréhensible pour beaucoup du « terroir », voici un maître incontestable ! Mais il reste humain et passer une soirée à ses côtés est une belle aventure qui ne se raconte pas dans les journaux, même ici.
Où manger ?
Bambou Thaï
Une carte des vins à couper le souffle. Malheureusement pas très axée, ou pas assez à mon goût, sur les vins de la région. Mais bon, quand on a beaucoup dégusté, cela fait parfois du bien de réinitialiser ses papilles avec d’autres saveurs. L’endroit est, durant l’été, terriblement people. Si vous avez des envies de selfies avec des vedettes, par contre, je déconseille. Les gens publics aiment parfois qu’on leur foute un peu la paix. La cuisine thaïe l’est vraiment, et en général, je considère qu’elle ne se marie pas avec les grands vins. Mais le patron va tout faire pour vous démontrer le contraire. C’est ça qui est beau.
21 Route d’Apt 84160 Lourmarin- +33 6 09 51 32 98
@bamboothairestaurant
Café du Progrès
De là, on domine toute la vallée. Le coup d’œil embrasse le cœur de la région et c’est magique. Manger sur la terrasse hors saison est un privilège pour les yeux, le cerveau et les papilles. La cuisine est locale, éclatante de saveurs et de parfums, sans chichis c’est sûr. Le patron conseille quelques quilles qu’il adore et qu’il défend admirablement.
31 rue Raoul et Raymond Sylvestre 84560 Ménerbes – +33 4 32 50 12 32
@cafeduprogres
Arkhe Restaurant
Une nouvelle adresse, éclose juste avant l’été, où s’exprime un chef qui a des accointances avec la Corse. Une carte des vins pour amateurs, à des prix doux comme seules les régions viticoles peuvent le faire. Un savoureux bonheur.
33 place de la mairie 84160 Vaugines – +33 4 90 77 11 08
@arkhe_restaurant.luberon
Où dormir ?
La Bastide de Marie
Le luxe, c’est parfois juste une petite touche en plus du reste. Le service, l’accueil, ce petit quelque chose qui rend l’endroit plus intime que les autres, ce supplément d’âme qui nous fait aimer la France. On mange remarquablement bien, on boit les vins du domaine et, surtout, on a envie de rester jusqu’à la fin des temps. C’est le seul défaut de l’endroit, il est vraiment difficile à quitter.
64 chemin des Peirelles
84560 Ménerbes
+ 33 4 90 72 30 20
labastidedemarie.com
Hôtel Bastide de Lourmarin
Un petit hôtel échappé des années 80, dans son jus, avec le sourire assorti. La déco est un peu kitsch d’époque, mais le service est nickel et les petits-déjeuners pleins de produits locaux. Idéal pour rayonner dans les deux zones du Lubéron.
route de Cucuron
84160 Lourmarin
+33 4 90 07 00 70
info@hotelbastide.com
@hotelbastidedelourmarin
Et si vous voulez encore plus d’infos, organiser des visites aux domaines, contactez Madame Lubéron. Ce n’est pas une agence de voyages, mais elle connaît son pays sur le bout des doigts et n’hésite jamais à donner un renseignement.
Nathalie ARCHAIMBAULT, +33 6 22 71 54 65 – vins.luberon@wanadoo.fr