arthrose

L’arthrose, un enjeu capital pour la société

L’arthrose a longtemps été considérée comme une fatalité liée au vieillissement, alors qu’elle est le plus souvent une maladie articulaire à part entière. Il existe des causes et facteurs de risques bien identifiés qui conduisent à la maladie arthrosique et contre lesquels il est possible de lutter pour ralentir l’évolution. Explications du Professeur Yves Henrotin (ULiège), Président de la Fondation Arthrose.

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L’arthrose est la maladie articulaire la plus répandue. Elle se caractérise par une atteinte graduelle du cartilage, tissu souple et résistant qui recouvre et protège les extrémités des os au niveau d’une articulation. Lors de l’évolution de l’arthrose, et quelle qu’en soit la cause, le cartilage perd en élasticité et en épaisseur. Il se fissure et finit par disparaître, entraînant un contact direct entre les os et des douleurs lors des mouvements de l’articulation.

Toutes les parties du corps peuvent être concernées par cette maladie dont les causes sont multiples. Mais surtout, il n’existe pas de traitement curatif, ni même de médicaments qui permettent de retarder la destruction du cartilage. Face à la fréquence de cette pathologie, les études scientifiques se multiplient et amènent les spécialistes à s’interroger sur la diversité de l’arthrose. En effet, il semblerait que l’arthrose regroupe en réalité plusieurs sous-types de maladies. Si tel est le cas, les causes de l’arthrose pourraient être différentes, en fonction du sous-type développé par le patient.

 Quels sont les symptômes de l’arthrose ?

En général, la personne qui souffre d’arthrose se plaint le matin d’une douleur et d’une raideur des articulations atteintes, qui durent environ 15 à 20 minutes et s’estompent ensuite. Puis, à mesure que la journée avance et que les articulations sont sollicitées, la douleur et la gêne réapparaissent et s’accentuent. La mise au repos des articulations procure, en revanche, le plus souvent un certain soulagement.

 Peut-on prévenir l’arthrose ?

Un jeune homme de 18 ans en surcharge pondérale et avec un antécédent de traumatisme du genou a trois fois plus de chance de développer une arthrose du genou avant l’âge de 60 ans qu’une personne du même âge sans surpoids et sans antécédent traumatique. Ce constat ouvre des pistes pour la prévention de l’arthrose. Contrôler son poids, et ce dès l’enfance, bien soigner les traumatismes sportifs ou professionnels, avoir une activité physique régulière, informer sur les risques d’arthrose sont des mesures préventives qui ont démontré toute leur efficacité.

Quel est le traitement ?

Soulager l’arthrose permet d’augmenter la mobilité et de prévenir l’apparition d’autres maladies liées au vieillissement. Il faut bouger pour aller mieux ! Mobiliser ses articulations permettra d’éviter les raideurs et d’augmenter l’amplitude des mouvements. Le temps où l’on pensait qu’il ne fallait pas mobiliser ses articulations douloureuses est maintenant bien révolu. 6.000 pas par jour, soit 4 km, est un objectif à essayer d’atteindre (en dehors des poussées).

Le vélo et la natation sont aussi bien adaptés, mais évitez le tennis et la course à pied qui provoquent trop de chocs dans les articulations.

Les activités faisant travailler le corps et l’esprit (Pilates, yoga, tai-chi…) sont extrêmement bénéfiques. Deux études parues en 2008 et 2010 montrent que la pratique du tai-chi réduit les douleurs de l’arthrose.

La rééducation fonctionnelle par la kinésithérapie permet de protéger les articulations et de réduire les conséquences de la maladie grâce à des techniques d’entretien de la mobilité, d’assouplissement, de diminution de l’intensité des douleurs…

Perdre du poids est nécessaire en cas de surcharge pondérale. On sait que l’obésité favorise l’apparition et l’aggravation de l’arthrose car elle augmente le risque d’usure des genoux et des hanches.

Et au niveau des médicaments ?

L’objectif des médicaments analgésiques et anti-inflammatoires est de réduire les symptômes mais ils n’ont aucun effet bénéfique sur la progression structurelle de l’articulation et présentent des effets indésirables sur le long terme.

Délivrés sous forme d’injections, l’acide hyaluronique ou le chitosan permettent de lubrifier les articulations touchées par l’arthrose, principalement le genou et, dans une moindre mesure, la hanche.

Aujourd’hui, un intérêt croissant est porté à certains compléments alimentaires susceptibles de réduire les douleurs et/ou de ralentir la progression de l’arthrose. Ils sont nombreux, parmi ceux-ci citons le sulfate de glucosamine, le sulfate de chondroïtine, les insaponifiables d’avocat et de soja qui soulagent la douleur de façon modeste mais rémanente, et entraînent une diminution de la consommation d’anti-inflammatoires et d’antalgiques.

La curcumine, principe actif du curcuma, à la dose recommandée est un puissant anti-inflammatoire. Elle a une action rapide sur la douleur due à l’arthrose.

Les racines d’harpagophytum et la reine-des-prés, la fameuse aspirine végétale, sont aussi utilisées pour leurs propriétés anti-inflammatoires, ainsi que le cassis, le saule. Autant de pistes à ne pas négliger.

Existe-t-il de nouveaux traitements de l’arthrose ? Où en est la recherche ?

Le traitement médical de l’arthrose reste un grand défi. Bien que les médicaments actuels soient susceptibles d’améliorer la condition du patient, leur impact sur le pronostic et sur l’évolution de la maladie est limité.

Néanmoins, l’intérêt de l’industrie pharmaceutique pour l’arthrose a fortement augmenté. Pour le moment, plusieurs produits innovateurs sont en développement dans des essais cliniques. Nous espérons que cette nouvelle vague se traduira par la commercialisation de nouveaux médicaments avec un impact réel sur la maladie.

Pourquoi avoir créé une fondation contre l’arthrose ?

La Fondation Arthrose a été créée en 2015 pour aider les patients arthrosiques et soutenir la recherche scientifique. Nous avons pour mission d’informer le grand public, mais aussi les professionnels de la santé, sur les avancées scientifiques, d’aider les personnes qui souffrent d’arthrose (en organisant notamment des groupes de parole) et de collecter des fonds pour soutenir la recherche fondamentale. Nous organisons la Journée Mondiale de l’Arthrose, proposons des conférences au travers desquelles nous voulons mieux informer le public, nous distribuons également des prix et bourses pour faire avancer la recherche.

Pourquoi estimez-vous que soigner l’arthrose est un enjeu sociétal si important ?

Aujourd’hui, environ 300 millions de personnes sont atteintes d’arthrose dans le monde. En 2050, on estime qu’elles seront près de 600 millions, dont 315 millions auront plus de 60 ans. Outre l’impact socio-économique considérable que représente l’arthrose en termes de perte de productivité, cette maladie sévère altère aussi la santé des seniors et contribue à leur perte d’autonomie. En Belgique, 12 % de la population souffre d’arthrose. 1,4 million de personnes seront touchées par cette maladie en 2050. Les coûts générés par cette maladie sont estimés entre 1 et 2 % du PIB des pays industrialisés et se calculent en milliards. C’est énorme ! Il faut donc agir rapidement en informant notamment la population des conséquences de cette maladie et en sensibilisant à la prévention. De plus, cette maladie est un facteur de risque d’autres maladies comme le diabète de type II ou les maladies cardio-vasculaires, ces maladies ayant un impact socio-économique très important.

Le saviez-vous ?

L’arthrose est une cause de sédentarité, mais aussi un facteur de risque du diabète de type II et des maladies cardio-vasculaires. Plus précisément, vous avez plus de chance de mourir après un infarctus si vous êtes arthrosique !

Les animaux sont aussi concernés !

60 % des chevaux présentés en consultation orthopédique souffrent d’une pathologie articulaire. 45 % des chiens âgés entre 8 et 12 ans présentent des signes d’arthrose et 20 % des chiens âgés de plus d’un an présentent de l’arthrose en lien avec des malformations de la hanche ou du coude. 90 % des chats de 12 ans et plus présentent également des lésions d’arthrose douloureuses.

Haro sur les fausses croyances !

« Le sport et les changements de pression atmosphérique, de température, d’humidité et de précipitation n’exacerbent en rien ce type de douleur », pointe, le Pr Yves Henrotin. « L’arthrose est une maladie encore trop entourée de mystères, de croyances populaires ».


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