orgasme

L’orgasme est-il important pour la femme ?

Les femmes jouissent moins souvent que les hommes. Cette réalité les perturbe-t-elle? Nuit-elle à leur satisfaction sexuelle et relationnelle?

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Le cœur qui s’emballe, la respiration qui s’accélère, la température qui monte, les muscles du périnée qui se contractent, le corps qui se tend et se détend: la jouissance est cette libération physique, cette explosion de sensations. Et l’extase n’est pas seulement physique. Quand elle est assumée et désirée, elle est associée à un grand bien-être émotionnel et psychique. Chacun.e peut alors se sentir ravi.e, comblé.e, dépassé.e, apaisé, libéré.e. Ce n’est pas pour rien que l’orgasme est décrit par ceux et celles qui le vivent, comme une présence accrue, un dépassement de la subjectivité, une réalisation de soi engendrant des sensations  de bien-être et des sentiments de satisfaction. Et pour un couple, il est souvent considéré comme le point d’orgue d’un rapport et un indicateur de satisfaction relationnelle. Une conception qui n’est pas erronée car pour que deux partenaires atteignent le 7 e ciel, il faut qu’il y ait entre eux une réelle communication sensuelle et sexuelle, si ce n’est émotionnelle.

Un fossé orgasmique

Pourtant ce moment jubilatoire si apprécié est offert aux hommes bien plus qu’aux femmes. Les premiers jouissent bien plus souvent que les secondes. Cette inégalité est attestée par bien des études scientifiques et des enquêtes. Je citerai seulement la recherche publiée en 2017 dans les Archives of Sexual Behavior (1). Menée auprès de 52.000 personnes, elle précise que 95 % des hommes hétéros ont « souvent ou toujours » un orgasme, contre 65 % des femmes hétéros… J’évoquerai encore l’enquête menée par l’institut de sondage français Ifop (2) en 2019 auprès de 1.210 personnes. Elle établit que 26% des femmes – plus d’une femme sur 4  – n’ont pas joui lors de leur dernière relation sexuelle, contre 14% chez les hommes. La différence est telle qu’elle porte un nom: le fossé orgasmique !

Mais pourquoi les femmes jouissent-elles moins lors des rapports sexuels ? Les raisons sont nombreuses, aussi bien physiologiques que personnelles, relationnelles et culturelles. Physiologiquement d’abord, la jouissance féminine est différente de celle des hommes. Elle s’obtient aisément et rapidement grâce à la stimulation du clitoris mais plus rarement et plus lentement grâce au pénis et la pénétration. Si le rapport se limite au coït, seuls 18,4 % des femmes connaissent l’apex du plaisir après en moyenne 12 minutes. Or souvent l’intimité entre un homme et une femme se réduit à la seule pénétration et celle-ci dure en moyenne 5 minutes. C’est qu’aujourd’hui encore, notre sexualité est phallo-centrée.

Pas moins de 30 % des hommes hétérosexuels croient toujours que les relations sexuelles vaginales sont les meilleurs moyens d’amener une femme à l’apogée du plaisir. Nous héritons en cela de siècles de patriarcat. Longtemps l’homme domina la femme dans la société comme au lit et seul le plaisir masculin compta. Et il importa d’autant plus que la femme fut éduquée à être une épouse dévouée à son mari et ses enfants, peu intéressée par le sexe. La religion chrétienne amplifia cette vision d’une femme madone et célébra la vierge comme idéal féminin. Elle diabolisa la sexualité, refusa le plaisir, n’acceptant le rapport qu’à des fins reproductives. Et encore aujourd’hui héritières de ce lourd passé, les femmes explorent moins leur sexualité, se connaissent moins et osent moins s’affirmer.

Un orgasme non associé intrinsèquement à la féminité

Mais ce différentiel orgasmique perturbe-t-il les femmes ? Sont-elles frustrées de cette jouissance moins fréquente? Nombre de spécialistes affirment que les femmes peuvent être pleinement épanouies si elles éprouvent du plaisir sans atteindre l’orgasme. Philippe Brenot, sexologue français des plus médiatiques, confirme ce point de vue. Il écrit dans son ouvrage “Les femmes, le sexe et l’amour” (éd. Odile Jacob, 2003) que pour beaucoup de femmes la notion de plaisir sexuel est “aussi importante, sinon plus,  que l’orgasme lui-même”.  Il dit que le plaisir féminin ne peut être réduit à un traité d’“orgasmologie  c’est-à-dire d’une discipline qui ne chercherait qu’à permettre l’obtention de l’orgasme, artifice illusoire” …. 

Et il est vrai qu’aujourd’hui encore l’orgasme n’est pas considéré comme la manifestation de la féminité. La société demande aux femmes d’être des objets de désir, de susciter le désir et d’exciter leur partenaire et lui permettre de jouir. Elle ne leur demande pas d’être des sujets désirants et orgasmants.  Certes les choses ont changé depuis les années 70. La perte de pouvoir du religieux, les revendications féministes, le combat pour l’égalité, la contraception et bien d’autres éléments ont permis aux femmes de réclamer leurs parts de plaisirs. Mais pourquoi ceux-ci ne pourraient-ils aller jusqu’à l’orgasme? Pourquoi ne pas rêver à une fréquente jouissance suprême ?

Attention, il n’est pas question de transformer cet orgasme en une obligation mais de le voir comme un plaisir supplémentaire à atteindre. Cette sensuelle ambition passera d’abord par une connaissance de soi et ensuite par une bonne communication avec l’autre sur ce qu’on aime. Elle exigera aussi de privilégier la rencontre plutôt que la performance, de veiller au lâcher prise, multiplier les scripts sexuels, ne pas se focaliser sur la pénétration, et oublier l’objectif. Vivre la détente et ne pas se focaliser sur l’orgasme pour mieux y parvenir!

Rêver à cette extase et ne pas se satisfaire des seuls plaisirs vaut la peine car bien des études montrent combien cette jouissance féminine participe directement au bien-être sexuel, à la satisfaction sexuelle et au sentiment de compétence sexuelle. L’année dernière encore, une étude (3) confirme que plus les femmes vivent l’orgasme, plus leurs satisfactions sexuelle et relationnelle augmentent !

  1. Differences in Orgasm Frequency Among Gay, Lesbian, Bisexual, and Heterosexual Men and Women in a U.S. National Sample. Etude de Frederick, David A ; John, H. Kate St ; Garcia, Justin R ; Lloyd, Elisabeth A. Publication dans Archives of Sexual Behavior en 2017.

    (2) Étude Ifop pour Online Seduction réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 18 au 21 janvier 2019 auprès d’un échantillon de 1.210 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

    (3) When is enough enough?: Curvilinear associations of orgasm and relational and sexual satisfaction.  Etude de Leavitt, C. E., Leonhardt, N. D., Busby, D. M., & Clarke, R. W. (2021a). . Publication  dans Journal of Sexual Medicine en 2021.


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